Jean-Claude Guillebaud

Il y a quelques mois j’écoutai à la radio RFI une interview de Jean-Claude Guillebaud pour la sortie de son dernier livre. Immédiatement cela a fait ‘tilt’ dans ma tête. Avec un passé si riche et un parcours si fécond, il ne peut qu’être un écrivain intéressant. J’avais pris les soins de lire sur son parcours sur le web et surtout de prendre connaissance des critiques sur ces écrits. J’ai commandé 2 bouquins de 2007 et 2008 et vient de terminer le premier de 2007. Un vrai régal ! D’un trait, plus exactement en une soirée et une matinée j’ai consommé les 182 pages. Cela m’a donné beaucoup de plaisirs et pas mal de questionnements sur mes propres convictions.

La force de conviction

En 2005, Guillebaud publie La force de conviction. Ce livre discute essentiellement deux thèses.

Première thèse

Premièrement, l’être humain ne peut vivre sans croyances. Les croyances religieuses, politiques et/ou scientifiques conduisent à des comportements tout compte fait assez voisins, remplis d’une certaine assurance morale et d’un certain dévouement / prosélytisme vis à vis des autres humains – et peut-être aussi souffrant d’une certaine surdité… Comme tant de non économistes, il se moque des conclusions de la science économique (“si les bienfaits du libéralisme tardent, c’est parce que vous n’avez pas fait les efforts nécessaires ; persévérez”, etc.) ce qui donne à penser qu’il ne mesure pas le poids du socialisme en Europe.

Un autre point que Guillebaud apporte est celui que l’opposition de la science et de la religion est une imposture. Il y a des cas d’obscurantisme, mais aussi des cas où la recherche scientifique était encouragée par l’Église catholique, par exemple.

Deuxième thèse

Deuxièmement, les évènements historiques du siècle dernier ont « vacciné » les gens contre un certain nombre de croyances. Par exemple, l’hécatombe de 1914-1918 a vacciné les Français contre le dévouement à leur patrie ; le régime communiste a vacciné les gens contre l’objectif de l’égalité ; les maux du développement vaccinent les gens contre l’idolatrie de la science et du progrès (les cathédrales de la science se vident comme les autres…).

Il argumente qu’en cette époque, ce n’est pas la religion qui manipule la politique, mais souvent l’inverse. Il remet en question l’analyse qui veut que par exemple, Bush et Ben Laden soient deux extrémistes qui mènent une guerre de religion l’un envers l’autre. Il note aussi que la plupart des conflits et idéologies meutrières contemporaines ont été menées par des non-religieux (des laïcs), même s’ils ont parfois utilisé la religion, d’autant plus que les véritables autorités religieuses s’y sont opposé dans bien des cas.

Conséquences]

La conséquence de ces deux thèses est que les nouvelles croyances sont plus fumeuses (la parapsychologie, le New Age, dont les chiffres d’affaire sont discutés) et se prêtent encore moins à une discussion éclairée que les croyances antérieures (l’histoire des religions est devenue une science). Guillebaud considère en particulier que le terrorisme n’est pas le fils de la religion – mais qu’il est le fait de gens ignorants de la religion, fascinés par une image très partielle de la religion, et en quête d’intégration à un groupe.

D’autre part, Guillebaud note que ce sont souvent des personnes avec des croyances faibles (donc inquiètes et appeurées) qui se tournent vers des extrémismes ou du terrorisme. La violence n’est pas le fait des personnes profondément religieuses, donc suffisamment stables pour discuter de leurs croyances.

Il s’oppose d’ailleurs à la philosophie portée à l’avant dans les années 1980 par Gilles Lipovetsky voulant que le vide nouveau de croyances allait amener une ère de loisirs insouciante. Au contraire, chacun tire sur son bout de couverture et le vide laissé par le religieux se remplit vite de croyances de toutes sortes. Donc le vide de croyances entraîne la perte des repères communs en plus de la violence.

La question ouverte par le livre est de savoir sur quelles bases établir les croyances nécessaires.

Résume de son livre « Comment je suis redevenu chrétien ».

‘Ma démarche ne participait ni de l’effusion mystique, ni de la nostalgie, ni même de la quête spirituelle, comme on dit maintenant. C’est d’abord la raison qui me guidait. Par elle, je me sentais peu à peu ramené au christianisme. Cette réflexion a d’abord été très périphérique par rapport à la foi, puis les cercles de ma curiosité se sont rapprochés du noyau central, celui de la croyance proprement dite.J’en suis là. Je ne suis pas sûr d’être redevenu un ‘bon chrétien‘, mais je crois profondément que le message évangélique garde une valeur fondatrice pour les hommes de ce temps. Y compris pour ceux qui ne croient pas en Dieu. Ce qui m’attire vers lui, ce n’est pas une émotivité vague, c’est la conscience de sa fondamentale pertinence. La rétractation d’une telle parole dans l’enclos de l’intimité – se taire ! – me semblerait absurde. La laïcité véritable, ce n’est pas la peureuse révision à la baisse des points de vue, c’est leur libre expression dans un rapport robuste et apaisé.’

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